Nous marchons dans les rues de Puyo pour se rendre à la rencontre de Didier Lacaze, notre contact intermédiaire avec la communauté Quichua de Los Canelos. Grâce à lui nous pouvons le lendemain rencontrer Galo et Jorge le président de l'association des producteurs pour présenter notre projet et conclure d'une réunion rassemblant toute la communauté le samedi 19 juin à Canelos. Sur le chemin, nous croisons un français accompagné d'un couple Shuar. Ces derniers travaillent ensemble sur un projet de construction d'un musée dédié à la culture Shuar (musique, artisanat, langue, outils de chasse...). Nous sommes invité chez Maria et Francisco qui ont une maison à Puyo pour rencontrer certaines personnes de sa communauté dont le chef Jamon et le Wishi (shaman) Luis. Cela sont leurs noms espagnols mais ils possèdent également des noms Shuar. Je ne me souviens pas de chacun d'eux.
Dans une jea (maison shuar) typique nous nous rassemblons pour discuter de la possibilité pour cette communauté de participer à notre projet de plantation de Hierba Luisa. Les personnes présentes semblent très intéressées. Nous partageons avec eux notre vision du projet, et ils nous expliquent la situation de leur communauté. Déjà nous commençons à apprendre quelques mots en Shuar!
Le dimanche soir, ils nous invitent à dormir chez eux pour partir dans la nuit en direction de leur communauté « a dentro » (à l'intérieur, en forêt). Levé à 2H du matin nous prenons le bus de 3h en direction de Macas. Nous nous arrêtons à 4h30 au bord de la route à l'entrée du parc Sanguaï et du canton Pablo Sexto. Nous dormons jusqu'à 6H où un bus passe et s'enfonce dans un chemin bien praticable. Bien que nous soyons déjà bien plus en forêt, le long du chemin les arbres se font rares, au loin on peut voir qu'ici la forêt n'est plus ce qu'elle était sinon ce qu'il en reste. Par ci par là des cultures de Pelma sorte de terre en mono-culture, nous traversons quelques communautés ayant l'électricité et l'eau courante. On est loin du dépaysement affiché sur les cartes postales. Nous nous enfonçons toujours plus en forêt pour finalement arriver vers une zone où la forêt domine largement le paysage.
Magnifique. Après une heure et demie de bus nous nous arrêtons au milieu de nul part. Il nous faut maintenant marcher pour accéder au village. Tout d'abord nous longeons un chemin boueux dans lequel il faut calculer ces pas si tu ne veux pas t'enfoncer jusqu'au genoux! Cet endroit devrait être gravillonné jusqu'à la rivière où un pont est en construction. Projet du canton qui fournit un peu de travail à la communauté au passage. Seulement pour l'instant le pont n'est pas là. Nous traversons le fleuve « Namakim » large de 30 mètres à la marche. « Namak » signifie « poisson ». Ce fleuve s'appelle comme ça car il était réputé pour être riche en poisson. Aujourd'hui ce n'est malheureusement plus le cas car certaines personnes pêchent à la dynamite! Efficace mais ne permet pas aux poissons de se reproduire donc n'est pas durable. Bien qu'il ne soit plus aussi riche, il en reste encore. On nous a d'ailleurs enseigné la pêche à la main. Avec un masque (quelques objets sont présents) on regarde en remontant le fleuve à contre courant. Ensuite c'est une question de rapidité, dès que tu vois un poisson tu l'attrapes. Il y a du travail ! L'un des jeunes du village en aura pêché un.
L'eau est transparente, les piranas inexistants. Héhé. Nous sommes en Haute Amazonie, ce n'est pas encore aussi « dangereux » qu'en Basse Amazonie. Certains Shuar de la Haute Am. refuse d'aller en Basse car il y a trop de moustiques donc un risque élevé d'attraper le palu. Ici les moustiques sont présents mais c'est encore soutenable et pas de palu.
Après avoir traversé le fleuve sans tomber, il nous faut gravir un petit mont pour arriver plus en hauteur. De là haut où est la communauté nous avons une vue époustouflante sur la vallée. Nous sommes accueillis avec un gros bol de « Nijiamanch » soit la « Chicha » en espagnol, un alcool fait à partir de « Mama », soit Yuca en espagnol soit manioc en français. Il ne faut pas refuser sinon tu ne peux pas faire ami deux fois.
Nous partons ensuite avec Maria dans sa « aja », soit chacra c'est à dire zone de pluri-culture traditionnelle Shuar. Ici de la Yuca, des platanos (bananes non-sucrées), de la camote (un peu équivalent à la patate douce) et de la papachina (autre tubercule) sont cultivés pendant 1 an et demi sur la même zone avant de changer d'espace pour laisser la terre se régénérer. Aucun arbre n'est coupé. Les chacras en repos sont utilisés au bout d'un an et demie. C'est le système des jachères qui se fait de plus en plus rare chez nous. Tout cela constitue les éléments de nutrition de base des communautés Shuar. C'est d'ailleurs tout ce que nous mangerons pendant les deux jours où nous resterons chez eux. J'imagine qu'au bout d'une semaine, ce n'est plus aussi agréable héhé.
Nous redescendons vers le fleuve dans lequel nous nous baignons quelques heures avant de remonter pour parler avec toute la communauté de la possibilité d'organiser une production de Hierba Luisa ici.
Pendant cette réunion, nous avons agréablement été surpris de voir que cette communauté de 45 personnes, 20 adultes et 25 enfants (dont 17 du chef Jamon qui a deux femmes) est très bien organisés. Ils se sont formés en association avec un président et trésorier. Au fur et à mesure de nos discussions ils nous devancent sur les points sensibles du projet apportant par eux mêmes des réponses judicieuses. Nous sentons qu'ils ont une cohérence dans leur organisation et leur façon de voir les choses qui nous donne une confiance supplémentaire pour organiser une production ici.
Nous arrivons à un accord sans grande difficulté tout en précisant que nous devons trouver les subventions pour commencer le projet et la réunion se termine sous les applaudissements. Le chef et le wishi auront été les personnages centraux de la réunion avec le maître d'école (qui est d'une autre communauté). Il aura fait le pont entre les questionnements des personnes présentes et nous. Il aura notamment permis de mieux comprendre les inquiétudes de certaines personnes sur la façon de partager l'argent entre chaque membre de la communauté.
La production s'organisera ainsi : la communauté souhaite travailler en Minga (tous ensemble sur un terrain et non pas individuellement) pour alléger le travail. Un élu de la communauté sera le coordinateur et sera formé à la production biologique et à la comptabilité. Il transmettra le savoir à sa communauté. Un autre élu du village sera chargé de gérer l'argent.
Nous sortons de cette réunion avec la sensation d'avoir pris une belle leçon de vie en communauté, de gestion de projet, d'échange interculturel, de logique de développement, d'agriculture durable... tout ce qui fait que ce projet nous passionne. Ce projet de développement est bien un échange et non pas à sens unique où chacun apprend de l'autre pour atteindre son idéal. Ce n'est pas une transposition du modèle occidental vers d'autre culture mais la mise en avant d'un système communautaire propre aux populations concernées au service de cette même population qui n'a pas accès aux crédits pour développer ses idées. Ce projet est viable et ça me rend heureux.
Nous mangeons le soir notre manioc et platanos habituels avant de nous coucher dans nos hamaques couverts par une moustiquaire dans une petite cabane. Demain nous partons à Macas à la rencontre de Chankuap, principal producteurs d'huiles essentielles, de cosmétiques, de savons, de thé... de l'Équateur qui travaille avec 600 familles Shuar et Ashuar. Cela depuis maintenant 15 ans, autant dire que leur expérience nous sera très utile. Car bien que cette réunion se soit bien passée, il faut garder en tête que les Shuar n'ont pas la même vision du travail que nous et que cela peut parfois ralentir la production de plantes et donc d'huiles essentielles.
Autres points positifs qui ressort de cette réunion : la Hierba Luisa sera cultivée en chacra c'est à dire au milieu d'autres plantes et non en mono culture. Cela permet d'éviter les maladies, participe à conserver une biodiversité et est en accord avec les traditions agricoles Shuar. On a beaucoup à apprendre d'eux sur des façons durables de cultiver.
mercredi 23 juin 2010
Rencontre avec une communauté Shuar
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Simon
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mardi 1 juin 2010
Cuisine équatorienne
Samedi soir nous nous promenons tranquillement dans le quartier historique à la recherche d'un restaurant. Nous sommes dans la rue la plus fréquentée de ce quartier. Nous tombons sur un restaurant offrant des plats typiques d'Equateur. Nous sautons sur l'aubaine et commandons un « cuy » entier pour 4. Qu'est-ce qu'un cuy? C'est ce qu'on appelle hamster. C'est délicieux ! Pas beaucoup de viande mais très fin. On peut comparer ça au lapin en terme de goût.
Bien repu nous partons pour la Mariscal, salsa au rendez-vous.
Publié par
Simon
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